Mr Japanization: l’autre regard sur le Japon

Où en est-on en matière d'écologie au "Pays du Soleil Levant" ?

Photo: ©Mr Japanization

Vous connaissez probablement Mr Mondialisation média alternatif qui compte plus d’1,3 millions d’abonnés sur sa page Facebook… mais saviez-vous qu’il a un petit frère passionné par le « Pays du Soleil Levant »?

Mr Japanization, projet initié par le fondateur de Mr Mondialisation en 2015, est le premier média francophone engagé et indépendant entièrement consacré au Japon. Son objectif? Porter un regard critique assumé sur la culture japonaise, ses beautés comme ses dérives. Tout particulièrement à travers les prismes de l’écologie, de l’humanisme et de la culture.

Comme avec Mr Mondialisation, bien des mystères entourent l’équipe rédactionnelle du site illustrée par « Poulpy », une petite pieuvre qui ne manque pas d’humour. L’un de ses membres nous a fait l’amitié de répondre à quelques questions pour nous raconter le Japon autrement que dans certains médias de divertissement… de quoi éveiller notre curiosité!

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Salut Mr Japanization! Dis nous, pourquoi avoir créé un média entièrement consacré au Japon?

Le Japon connaît une fascination étonnante de très nombreux occidentaux en général. Perçu très positivement partout à travers le monde, pour sa folie, sa culture et sa beauté, on observe une tendance à l’aveuglement « touristique » qui occulte une large part de la réalité.

Nombre de sites axés Japon font du divertissement pure. Ils n’informent pas sur le Japon, ils amusent leurs abonnés. La vérité ou le journalisme de fond n’est pas que très rarement au rendez-vous. Pour cause, ce n’est pas un business rentable que de parler des sujets qui fâchent.

Nous, nous croyons en l’adage : qui aime bien châtie bien ! Si on aime le Japon, il faut pouvoir en parler clairement. Et le Japon, sur le terrain, ce n’est pas que rigolade et sakura (cerisiers en fleurs).

 

Photo: ©Mr Japanization

C’est aussi l’ère post-Fukusima, un réveil national, et une négation collective de la crise écologique et climatique. C’est aussi une addiction au plastique, l’utilisation abusive d’animaux à des fins de spectacle, ou encore une toute puissance des entreprises sur la vie humaine. Et ceci n’est pas forcément « Le Japon », mais le fruit d’un système qui n’a désormais plus de frontières. Nous sommes ici pour en parler, sans langue de bois, tout en nous émerveillant par ailleurs des beautés de la culture.

En pratique, nous écrivons plusieurs articles chaque semaine sur la culture japonaise avec un regard critique. Nous produisons également des reportages vidéos et publions des photographies originales et œuvres d’art en partenariat avec de nombreux photographes japonais et étrangers. Nous menons également des enquêtes de terrain. En juin 2019 par exemple, nous nous sommes rendus à Fukushima sur la trace des travailleurs étrangers en zone contaminée…

Photo: ©Mr Japanization

D’où vient cette expertise sur le Japon ? Qu’est-ce que votre équipe a de spécial ?

Très clairement, nous vivons au Japon depuis plusieurs années. Notre équipe a fusionné ses efforts avec des journalistes locaux. Nous avons passé de nombreux mois à rencontrer des experts dans leurs domaines et découvert qu’au Japon, les voix discordantes peinent à trouver écho dans les médias classiques, bien plus qu’en France. Vivant ici, il est difficilement tolérable d’accepter cette réalité quasi Orwellienne, où le contrôle est total, mais personne ne le perçoit ! C’est particulièrement vrai en matière de droits des femmes qui peinent à revendiquer un minimum d’égalité… péniblement !

Le récent cas de Shiori Ito, une journaliste droguée et violée par un personnage important des médias japonais, a contribué à donner de la visibilité à cette problématique grave.

Pourquoi l’écologie est un sujet qui vous tient au cœur au Japon et en quoi peut-on en tirer des leçons ailleurs ?

Le Japon vit une situation singulière qui en fait un terrain expérimental incroyable pour l’avenir. Je pense que le monde gagnerait à observer le Japon. Pourquoi ? Car le pays est pratiquement le seul en décroissance démographique « de fait ». Ils sont moins nombreux chaque année. Et si ça peut sembler une bonne chose pour la planète, les habitants eux ne cessent d’amplifier les comportements hérités de l’occident : augmentation de la consommation de viande, généralisation des voitures, utilisation massive des plastiques,… Le paradoxe, c’est que personne ne semble s’en soucier. En apparence, le pays fonctionne parfaitement bien. C’est ce décalage total entre la réalité de la crise écologique et la négation collective qui est aussi intéressant à observer. Comment une société aussi développée et à la population aussi instruite peut-elle en arriver à un tel degré de négation du réel ? C’est ce que nous tentons de comprendre jour après jour !

Photo: ©Mr Japanization

Est-ce qu’un projet lié à l’écologie, une invention, un action, une œuvre ou même une tradition t’a marqué en particulier?

Nous avons été marqué par notre rencontre avec l’artiste Hiro Chiba. Un hasard complet ! Cette jeune femme imprime des souvenirs sur des feuilles d’arbre à l’aide du soleil. Son projet déborde de douceur et de profondeur. Il symbolise ce que nous aimons de plus chez les japonais qui, contrairement aux clichés de « tueurs de baleines » sont bien plus proches de la nature que nous le sommes en occident à bien des niveaux.

-> http://japanization.org/une-japonaise-imprime-ses-photos-sur-des-feuilles-darbre-grace-au-soleil/
 

Par ailleurs, nous avons réalisé un petit reportage dans une ferme écologique « bio » (sans utilisation d’intrants chimiques). Les seuls pesticides utilisés : des coccinelles et des grenouilles ! Pour nous, ce fut un véritable choc. Nous avons tous grandi avec l’image de l’agriculture conventionnelle où tout est mort dans les champs. Dans cette exploitation bio, tout grouille de vie. Les grenouilles vous sautent dessus quand vous marchez, tout est en équilibre. Oui, il y a des pertes, mais ces pertes (20%) font de l’engrais pour l’année suivante. Ce sentiment d’équilibre naturel n’est pas descriptible par les mots. Il faut le voir et le vivre. Depuis, nous avons pris conscience de l’importance du bio, et c’est loin d’être une bête question de santé. Ceux qui défendent aujourd’hui le glyphosate, par exemple en se focalisant sur des motifs sanitaires ou productifs, n’ont jamais mis un pied dans un champ de ce genre, ce n’est pas possible autrement.

-> http://japanization.org/nous-avons-visite-une-ferme-biologique-japonaise/

Vu d’ici, le Japon nous renvoie plusieurs images: il y a la surconsommation, les gadgets en tout genre, le plastique et l’électronique… et puis il y a une image très épurée, ou rien n’est superflu, les gens soigneux et humbles, qu’en est-il vraiment?

Il faut comprendre que le Japon est un pays de paradoxes époustouflants. C’est le grand écart permanent. Oui, à Tokyo, c’est la folie technologique qui l’emporte haut la main. Mais dès qu’on s’éloigne de l’urbanisation, on découvre un autre Japon, plus humble, plus pauvre aussi, loin des clichés de grandes avenues et de lumières brillantes.
En fait, la plupart des gens voient « Tokyo » en tête quand on leur parle du Japon.Par contre, il est vrai que le Japon subit autant que nous les conséquences de la mondialisation. Les tatamis sont peu à peu remplacés par des lits « Ikea » et leurs belles maisons traditionnelles par du préfabriqué conventionnel et froid. Le pays vit une véritable crise culturelle et ce n’est pas lié à l’immigration. Ici, on perçoit clairement que la destruction d’une culture est liée à la mondialisation de l’économie et le softpower des multinationales. Conséquences : ils mangent de plus en plus de viande, avec des jeunes friands de fast-fashion (H&M et compagnie).

Photo: ©Mr Japanization
 La question écologique et climatique n’existe pas dans le débat public, ou pratiquement pas. Sur la question, ils vivent 20 ans dans le passé, et c’est dramatique. Les médias sont silencieux sur ces problématiques (ce qui ne manque pas de faire plaisir à tous les climato-sceptiques et autres industriels véreux). D’où, à nos yeux, l’importance de créer ce genre de médias. Les japonais eux-mêmes sont en demande de vérité, mais encore faut-il en avoir les moyens économiques ! Et c’est à ce jour loin d’être le cas pour notre équipe. 100% libres, nous ne bénéficiions ni de subvention, ni de l’argent des entreprises. Tout comme chez Mr Mondialisation, nous travaillons grâce à une page Tipeee et aux thés que les lecteurs les plus engagés nous offrent.

Le prix des vols longs courriers a fortement chuté au court de la dernière décennie. Est-ce qu’on peut mesurer l’impact du tourisme au Japon?

Oui, et c’est une problématique majeure ici. Le tourisme explose littéralement au Japon. Les chiffres font froids dans le dos : 30 millions de visiteurs en un an. C’est historique. Et c’est loin d’être sans conséquence, comme nous en avions parlé dans un dossier à ce sujet.

Il y a le choc culturel d’une part, puis les dégradations inévitables. Les visiteurs étrangers ne savent pas toujours comment « bien » se comporter selon les règles japonaises. Mais tout ceci participe à une pollution mondiale invisible et au changement climatique.

C’est vraiment une problématique particulièrement délicate car le voyage est une composante si nécessaire à l’Humain. Malheureusement on confond souvent le voyage, sur le temps long, et le tourisme, une consommation d’expériences riches le plus rapidement possible et souvent à petit prix. D’ailleurs le gouvernement japonais a constaté que plus les touristes sont nombreux, moins ils dépensent par tête. Sur place, certaines villes étouffent, en particulier Kyoto, et la population locale peine à respirer. Pourtant, leur économie repose largement sur ce tourisme.

Un paradoxe moderne dont on peine à trouver l’issue tant les gouvernements sont bien décidé à doubler le nombre de visiteur d’ici 15 ans. Une folie…

Photo: ©Mr Japanization

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Le Japon, l’Europe, le Monde, il n’existe pas de société parfaite, mais nous avons tous à gagner à nous inspirer de ce qui est Juste chez les autres tout en évitant leurs erreurs. Ouvrons notre horizon conceptuel et faisons évoluer ensemble nos sociétés vers plus de fraternité, d’équité et de bonheur pour tous. Pour suivre nos aventures, rendez-vous sur notre page Facebook.

 

Propos recueillis par Leïla Rölli

 

Pour en apprendre plus sur le Japon:

Le site de Mr Japanization

La page Facebook de Mr Japanization

Le compte Instagram de Mr Japanization

et le Tipeee pour soutenir l’excellent travail de Mr Japanization