LA PERMACULTURE…C’EST RENTABLE?

Emmanuel s'interroge sur la réalité économique de la permaculture

La permaculture est souvent présentée comme “plus vertueuse et plus rentable” voire “la solution à tous les problèmes de l’agriculture traditionnelle”. Mais alors qu’attendent les agriculteurs d’aujourd’hui pour se lancer dans la permaculture ? “Mais pourquoi sont-ils assez bêtes pour continuer à utiliser du glyphosate ?” (version polie de ce que je peux entendre de manière quotidienne). Puisqu’ils n’ont pas l’air motivés et intéressés par les fortunes promises par la permaculture, moi je me lance, aidé du rapport final «Maraîchage biologique permaculturel et performance économique».

Pour commencer, “comment on FAIT de la permaculture?”

Bien que l’on puisse souvent entendre quelqu’un dire “je fais de la permaculture”, cette phrase n’a aucun sens précis, cela veut-il dire ?

  • J’applique au moins un des principes de la permaculture ?
  • J’applique tous les principes de la permaculture ?
  • Je fais tout à la main?
  • Je fais de la culture sur buttes?

Comme on l’a vu dans notre article précédent, il n’existe aucune définition officielle de la permaculture, il n’est donc pas possible de définir ce que veut dire “faire de la permaculture”.
Il est à ce propos indiqué précisément qu’ici, il ne s’agit pas de “faire de la permaculture” mais de suivre la « méthode de la ferme du Bec Hellouin” :

un modèle de maraîchage […] associant une organisation de l’espace inspirée de la permaculture et des techniques du maraîchage bio intensif […]. Très peu mécanisé, sur une très petite surface cultivée, positionné sur des circuits courts[…].

“D’après les chercheurs, pour une surface de 1000m², le revenu des agriculteurs peut atteindre jusqu’à 1500€ par mois en moyenne” France2

Dans le cadre de cette étude, il s’agit en fait de 1000m² de terrain cultivé. Les allées et leurs bordures ne sont pas comptabilisées, ni les bâtiments nécessaires au conditionnement des légumes ou bien au stockage du matériel et des semences.

Il me semble important de noter aussi que cette zone étudiée de 1000m² représente seulement 0.5% de la surface de la ferme (total de 20 hectares dont 12 de forêts). Enfin, un autre critère qui me semble important de prendre en compte : le sol.

En effet, pendant 8 ans Perrine et Charles HERVE-GRUYER ont transformé leur sol “peu propices à des cultures maraîchères” en un sol fertile. Ce n’est qu’après ces longues années de création de sol fertile qu’à eu lieu cette étude. Moi qui me réjouissais de lancer mon business dès demain à partir de mes 1000m² de jardin, me voilà refroidi…

1500€ par mois, mais pour combien d’heures travaillées?

Comme on peut le voir dans la figure ci-dessus, le temps de travail hebdomadaire est très variable, allant de 0 à 125 heures. Ces variations sont dues aux différentes stratégies adoptées (réaménagement des espaces notamment) ainsi qu’à la saisonnalité du travail (peu de cultures en hiver, beaucoup de récolte à faire en été). Avec cette méthode le maraicher se retrouve donc avec des périodes « creuses » et d’autre où la main d’œuvre est obligatoire. L’étude du temps de travail conclut sur plusieurs situations qui sont pour 75% du temps “jugées comme acceptables pour la profession”. Je tiens tout de même à ajouter que cette étude mène à des situations dont le salaire va de 898€/mois à 1571€/mois pour 43 heures hebdomadaires, ce qui représente un salaire horaire allant de 64% à 111% du SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance).

La méthode de la ferme du Bec Hellouin semble donc être complexe à mettre en place (mise en place d’un écosystème complet, création du sol sur plusieurs années, besoin de connaissances technico-­économiques et commerciales). Elle semble aussi ne pas apporter un résultat garanti en terme de salaire (souvent inférieur au salaire minimum français). Néanmoins, Cette étude confirme bien l’hypothèse de départ :

“il est possible de produire de façon importante sur une petite surface maraîchère cultivée essentiellement à la main et de dégager ainsi un bénéfice suffisant pour assurer un revenu correct à une personne ayant un statut agricole.”

De plus, on peut remarquer une certaine amélioration de la rentabilité de ce système au fur et à mesures des années; la remise en cause de certaines techniques et organisation semble porter ses fruits. On peut donc s’attendre à de meilleurs résultats encore pour les années à venir.

D’après les chiffres de l’INSEE, l’agriculture ferait travailler 750 000 personnes sur près de 28 millions d’hectares en 2013. On pourrait imaginer embaucher 28 millions de personnes si l’on considérait des fermes de 1 hectare (ce qui semble être raisonnable pour la mise en place d’un “cœur de culture” de 1000m²). Mince, on va faire comment si l’on n’a plus de chômeurs ?

Pour terminer, je voudrais remercier la ferme du Bec Hellouin pour le temps passé sur cette étude. Merci d’avoir montré qu’il existe une agriculture alternative respectueuse des hommes et de la nature. Bref une agriculture alternative à la pollution, alternative au chômage, alternative à la malbouffe. Des projets naissent chaque jour autour de vous, libre à chacun de se renseigner et de les soutenir par le financement participatif (1) ou bien en achetant directement leurs produits (AMAP, Marché, etc…).

Emmanuel

  1. Bluebees est une plateforme de financement participatif dédiée à une agriculture durable.
Image en tête d’article: publicité Casio revisitée par nos soins.

C’EST QUOI LA PERMACULTURE?