Éviter la viande et les produits laitiers est la «meilleure façon de réduire votre impact sur la Terre»

La plus grande analyse à ce jour révèle l'empreinte colossale du bétail

Vous trouverez ici une traduction de l’article « Avoiding meat and dairy is ‘single biggest way’ to reduce your impact on Earth » paru dans The Guardian le 31 mai 2018. Bonne lecture!

Selon les scientifiques à l’origine de l’analyse la plus complète à ce jour sur les dommages causés par l’agriculture, éviter la viande et les produits laitiers est le moyen le plus efficace de réduire votre impact environnemental sur la planète.

Une récente étude démontre qu’en éliminant la consommation de viande et de produits laitiers, l’utilisation globale des terres agricoles pourrait être réduite de plus de 75% – une superficie équivalente à celles des États-Unis, de la Chine, de l’Union Européenne et de l’Australie combinées – tout en permettant de nourrir la population mondiale dans son entier. La perte de zones sauvages engendrée par l’agriculture intensive est la principale cause de l’extinction massive de la faune.

Cette nouvelle analyse révèle que si la viande et les produits laitiers ne fournissent que 18% des calories et 37% des protéines consommées, ils utilisent la grande majorité des terres agricoles (83%) et produisent 60% des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture.

D’après d’autres recherches récentes, le bétail et les humains représentent aujourd’hui 86% de tous les mammifères terrestres. Les scientifiques ont également constaté que même les produits carnés et les produits laitiers ayant le plus faible impact causent encore plus de dommages environnementaux que la culture de légumes et de céréales la moins durable.

Bovins dans une colonie illégale dans la forêt nationale de Jamanxim, état de Para, nord du Brésil, 29 novembre 2009. Avec 1,3 million d’hectares, la forêt nationale de Jamanxim est aujourd’hui un microcosme reproduisant ce qui se passe en Amazonie, où des milliers d’hectares de terre sont la proie de bûcherons illégaux, éleveurs et mineurs d’or. Photographie: Antonio Scorza / AFP / Getty Images

L’étude, publiée dans la revue Science, a compilé un énorme ensemble de données basé sur près de 40’000 fermes situées dans 119 pays différents et couvrant 40 produits alimentaires. Ces 40 denrées représentent 90% de tout ce qui est consommé dans le monde. 

L’impact total de ces 40 aliments a été évalué, de la ferme à la fourchette, sur l’utilisation des terres, les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation d’eau douce ainsi que la pollution de l’eau (eutrophisation) et celle de l’air (acidification).

D’après Joseph Poore de l’Université d’Oxford (UK) qui a dirigé l’étude: « Un régime végétalien est probablement le seul moyen de réduire votre impact sur la planète Terre, pas seulement au niveau des gaz à effet de serre, mais aussi de l’acidification,  de l’eutrophisation, de l’utilisation des terres et de la consommation d’eau. C’est beaucoup plus efficace que de réduire vos vols en avion ou d’acheter une voiture électrique qui ne font que réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’agriculture est un secteur qui couvre toute la multitude de problèmes environnementaux. Ce sont vraiment les produits animaux qui sont les gros responsables de tous ces problèmes. Éviter la consommation de produits animaux offre de bien meilleurs avantages environnementaux que d’essayer d’acheter de la viande et des produits laitiers durables. »

Plus de 80% des terres agricoles sont utilisées pour le bétail mais ne produisent que 18% des calories alimentaires et 35% des protéines


L’analyse a également révélé une énorme variabilité entre les différentes façons de produire le même aliment. Par exemple, les bovins de boucherie élevés sur des terres déboisées produisent 12 fois plus de gaz à effet de serre et utilisent 50 fois plus de terres que ceux qui sont élevés sur des pâturages naturels. Mais la comparaison entre le bœuf et les protéines végétales, comme les petits-pois, est encore plus frappante: à protéines égales, même les bovins à faible impact sont responsables de six fois plus de gaz à effet de serre et ont besoin de 36 fois plus de terres que ces mêmes petits-pois.

Le bœuf produit jusqu’à 105 kg de gaz à effet de serre pour 100 g de viande, tandis que le tofu produit moins de 3,5 kg

La grande variabilité de l’impact environnemental de différentes fermes présente une opportunité pour réduire les dommages, explique Joseph Poore, sans avoir besoin que la population mondiale devienne végétalienne. Si la moitié la plus dangereuse de la production de viande et de produits laitiers est remplacée par des aliments à base de plantes, cela représente environ les deux tiers des avantages liés à l’élimination de toute production de viande et de produits laitiers.

Réduire l’impact environnemental de l’agriculture n’est pas facile, prévient encore M. Poore: « Il y a plus de 570 millions de fermes qui ont toutes besoin de moyens différents pour réduire leur impact. C’est un défi [environnemental] qu’il n’y en a dans aucun autre secteur de l’économie. » Il précise encore qu’au moins 500 milliards de dollars sont dépensés chaque année en subventions agricoles, et probablement beaucoup plus:  » Il y a beaucoup d’argent pour faire quelque chose de vraiment bien. « 

Toujours selon Joseph Poore, les étiquettes qui révèlent l’impact des produits seraient un bon début, car cela permettrait aux consommateurs pourraient choisir les options les moins dommageables, mais des subventions pour des aliments sains et durables et des taxes sur la viande et les produits laitiers seront probablement également nécessaires.

 

L’impact de la pisciculture

Une surprise de ce travail a été l’impact important de la pisciculture en eau douce, qui fournit les deux tiers des poissons consommés en Asie et 96% en Europe, et a été considérée comme relativement respectueuse de l’environnement.

«Tous ces poissons déposent des excréments et des aliments non consommés au fond de l’étang, où il n’y a presque pas d’oxygène, ce qui en fait un environnement idéal pour la production de méthane», a déclaré Monsieur Poore.

 

Bœuf nourri à l’herbe, mieux mais toujours très polluant

La recherche a également révélé que le boeuf nourri à l’herbe, considéré comme ayant un impact relativement faible, était toujours responsable d’impacts beaucoup plus importants que les aliments à base de plantes. « Convertir l’herbe en [viande], c’est comme convertir le charbon en énergie. Il induit un coût énorme en émissions « , avertit Joseph Poore.

Soutien et reconnaissance des experts en alimentation

Cette nouvelle recherche a reçu de nombreux éloges de la part d’autres experts en alimentation. Le professeur Gidon Eshel, du Bard College, aux Etats-Unis, a exprimé sa surprise et son soutien: « J’étais stupéfait. C’est vraiment important, solide, ambitieux, révélateur et joliment fait. « 

Il a également déclaré que les travaux antérieurs sur la quantification des impacts de l’agriculture, y compris le sien, avaient adopté une approche descendante utilisant des données au niveau national, mais ce nouveau travail utilise une approche ascendante, avec des données sur les exploitations agricoles. « Il est très rassurant de voir qu’ils donnent essentiellement les mêmes résultats. Mais ce nouveau travail a beaucoup de détails importants qui sont profondément révélateurs. « 

Le Professeur Tim Benton, à l’Université de Leeds (UK), a quant à lui reconnu l’importance du document: « C’est est une étude extrêmement utile. Elle rassemble une énorme quantité de données et cela rend ses conclusions beaucoup plus robustes. La façon dont nous produisons, consommons et gaspillons de la nourriture est insoutenable d’un point de vue planétaire. Compte tenu de la crise mondiale de l’obésité, changer les régimes alimentaires – manger moins de produits de l’élevage et plus de légumes et de fruits – a le potentiel de rendre la planète et nous-mêmes plus sains. « 

Le Dr Peter Alexander, de l’Université d’Edimbourg (UK) a également été impressionné: «Il pourrait y avoir des avantages environnementaux, par exemple pour la biodiversité, d’un pâturage géré de manière durable et l’augmentation de la consommation animale pourrait améliorer la nutrition pour certains des plus pauvres. Mon opinion personnelle est que nous devrions interpréter ces résultats non comme le besoin de devenir vegan du jour au lendemain, mais plutôt de modérer notre consommation [de viande]. « 

Joseph Poore : « La raison pour laquelle j’ai commencé ce projet était de comprendre s’il y avait des producteurs d’animaux durables. Mais j’ai cessé de consommer des produits animaux au cours des quatre dernières années de ce projet. Ces impacts ne sont pas nécessaires pour maintenir notre mode de vie actuel. La question est de savoir combien nous pouvons les réduire et la réponse est beaucoup. « 

Article original The Guardian