Cargill, ou l’une des « pires entreprises au monde »
Le négoce de matières premières, un domaine encore trop peu pointé du doigt, et pourtant...
Aujourd’hui, nous allons parler de Cargill, entreprise active dans le négoce de matières premières dont le nom et les pratiques écocidaires sont encore bien trop ignorées du grand public…
Cargill se présente comme une entreprise active en Suisse depuis 1956 qui emploie plus de 400 personnes au sein de son siège social se situant à Genève.
Ce siège est essentiel à l’entreprise, puisque le négoce du grain et des oléagineux s’y opère, de même que la direction des opérations de transport maritime et le négoce de fret.
La multinationale se dit « agir de manière responsable tout en poursuivant son objectif d’être le leader mondial engagé à nourrir les populations ». Elle explique s’engager à réduire son impact environnemental. L’entreprise ferait chaque année don d’env. 150’000 dollars à des associations suisses ou internationales et encouragerait la formation de jeunes talents dans la région genevoise.
Des promesses en l’air
Toutefois, Cargill est la plus grande entreprise privée des USA, la numéro un du négoce des produits agricoles. Elle possède ainsi des exploitations « produisant » des centaines de millions de poulets, achète des quantités gigantesques de soja et autres céréales produites, notamment, en Amérique du Sud, mais a également des usines de mayonnaises, huiles alimentaires et coton…
En février dernier, Extinction Rebellion Suisse avait d’ailleurs organisé une action ciblant quatre sociétés de trading et de courtage maritime, dont justement Cargill. Les militant.e.s ont justifié leur action par le fait que : « Leur business repose sur l’exploitation humaine et de nos ressources naturelles, mais rien n’est fait pour les en empêcher! ». Ils ont également expliqué que : « Près de la moitié des échanges mondiaux de denrées agricoles – café, blé, chocolat – font également l’objet de transactions sur notre territoire. Selon des estimations officielles, plus de trois milliards de tonnes de matières premières seraient négociées en Suisse chaque année, pour une valeur de près de 960 milliards de francs. ».
Cargill joue pourtant le jeu de la « multinationale responsable ». A titre d’exemple, en 2016, après que la pollution d’une grande rivière au Guatemala causée par l’industrie de l’huile de palme ait été considérée comme un « écocide » par les Tribunaux du pays ainsi que quelques mois après la mort d’un activiste guatémaltèque qui avait dénoncé cette pollution, Cargill avait publié une résolution demandant à l’entreprise à la source de la pollution de prendre une série d’actions afin d’éviter que cela ne puisse se reproduire.
Cargill ne peut toutefois se laver les mains impunément. Un rapport de l’organisation environnementale « Mighty Earth » publié récemment met en avant les raisons faisant que cette entreprise peut être qualifiée comme « la pire au monde ». Pour exemple, les incendies ayant fait ravage dans la forêt amazonienne se sont produits exactement là où les quatre plus grands négociants en grains du monde – dont fait justement partie Cargill – achètent leur soja.
Nestlé est très souvent sous le feu des critiques du fait de ses pratiques passablement écocidaires et non-équitables. Toutefois, ses matières premières lui sont notamment fournies par Cargill !
Fournir McDo et Burger King…
Dans les principaux acheteurs de céréales et de viande de Cargill, on trouve par exemple McDonald’s et Burger King, de quoi vous faire une idée de l’ampleur du problème. Ces entreprises créent ainsi une forte demande internationale et financent les incendies et la déforestation…
Assez puissante pour contourner la loi
Depuis 2006, un moratoire interdit la déforestation en Amazonie pour la culture de soja. Celui-ci a été signé par les géants du commerce agricole qui se sont engagés à ne pas acheter leur soja auprès de fournisseurs qui couperaient ou brûleraient la forêt. Toutefois, ce moratoire est lacunaire puisque certains agriculteurs brésiliens font semblant de défricher la forêt pour d’autres types de céréales ou pour l’élevage tout en faisant ensuite pousser du soja sur ces zones libres. En outre, l’interdiction ne s’applique qu’à l’Amazonie brésilienne, ceci alors que diverses autres régions de la forêt tropicale sont gravement touchées par la déforestation due à la culture de soja.
Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que Cargill parvient à contourner la loi. En effet, l’ONG britannique Oxfam a notamment d’ores et déjà prouvé qu’entre 2010 et 2012, Cargill était parvenu à prendre le contrôle de surfaces immenses en Colombie malgré des limites imposées par la loi sur la quantité de terres appartenant à l’État et pouvant faire l’objet d’une acquisition par un acteur unique. Pour ce faire, la multinationale a créé 36 sociétés écrans différentes. À terme, Cargill est parvenu à contrôler plus de 50’000 hectares de terres, soit 30 fois la limite légale par propriétaire (pour plus d’informations sur cette thématique, c’est ici).
Du fait de ces pratiques, Cargill a généré plus de 114 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019… De quoi renforcer la richesse de la famille Cargill – détenant les 90% de la firme du même – qui fait partie des 10 familles les plus riches du monde.
Ces chiffres donnent le tournis et confirment le fait que ce genre de firme ne devrait pas exister. Le négoce de matières premières est une catastrophe environnementale et sociale, mettant sous pression les écosystèmes, les travailleuses et travailleurs du secteur et même la santé publique à la vue des industries ensuite approvisionnées…
Bref, il semble absolument nécessaire que lumière soit faite sur ces grosses entreprises dont des filiales ayant leurs sièges en Suisse contribuent à des pratiques inacceptables.
Pour des informations plus détaillées sur cette thématique, je vous invite à prendre connaissance des ces deux rapports, soit celui de PublicEye et celui de Migthy Earth.
Cloé Dutoit