Flagrant déni: pourquoi notre cerveau se voile la face?

Crise climatique, exploitation, souffrance animale, ne fermons plus les yeux!

Depuis de nombreuses années, médias et ONG dénoncent les conditions de travail désastreuses dans l’industrie et l’agriculture, la destruction des ressources, de la biodiversité ou encore la pollution engendrée par les activités humaines sous l’impulsion des multinationales, mais pourtant, ces informations peinent à initier une modification de nos habitudes de consommation.

Combien sommes-nous à être scandalisé.e.s par les conditions des ouvrières et ouvriers, parfois esclaves dans les usines textiles (Chine : 80 grandes marques concernées par le travail forcé des Ouïghours?), sans remettre en question nos collections de baskets ou nos achats frénétiques de fast fashion?

On sait depuis des années que la production de denrées comme le chocolat, le café, les bananes, les avocats etc. sont problématiques à bien des degrés, notamment en ce qui concerne le travail des enfants et les pesticides. Malgré les labels et les promesses des industriels, la situation reste critique. Impérturbables, nous continuons à consommer ces produits en quantité, avec un plaisir non dissimulé.

Autre exemple de flagrant déni: la barbarie de l’exploitation animale dans sa globalité n’est un secret pour personne, pourtant, elle est constamment minimisée, à grand renfort de propagande publicitaire, excusée ou simplement invisibilisée.

Des exemples d’injustices, de souffrances, d’aberrations dans différents secteurs, il y en a malheureusement à la pelle. Il suffit de regarder dans nos armoires, à travers nos écrans ou simplement dans la rue pour s’en rendre compte, à la condition de regarder la réalité en face.

Nous sommes dans le déni

Dans un texte publié en avril 2020, la psychothérapeute Solen Lombard explique qu’est le déni dans ce contexte de pandémie, et pourquoi, en dépits des informations reçues, notre cerveau refuse de faire certaines connexions. Au delà de la crise sanitaire actuelle, ce texte nous éclaire sur notre fonctionnement et pourquoi, nous ignorons si facilement ce que nous ne pouvons accepter. Il est alors facile de transposer ces réflexions à la crise climatique, au bien-être animal ou aux conséquences sociales et de nos modes de consommation. Extraits.

« Pour notre pensée, l’impensable impossible ne peut se penser. Le cerveau bloque les sens et le sens. Une carapace peut aussi se mettre en place et couper les ressentis, ce que l’on nomme “clivage”. Intérieurement les communications entre les différentes parties de notre cerveau ne se font plus de façon équilibrée. Nos fonctions d’empathie et de réflexion diminuent pour renforcer les fonctions vitales de protection.

Il est facile de reconnaître la personne en état de choc ou dans la phase du déni : en sidération inconsciente, elle est dans le refus du danger et du dialogue. “Je ferme les yeux, je n’écoute pas l’extérieur”. Ou alors “je n’écoute que ce que je veux entendre” qui peut me conforter dans “ma réalité”. Une réalité où ma vie, mes habitudes seront le moins possible menacées.

Les comportements de déni sont ceux que l’on a pu observer partout dans le monde au début des premiers cas de covid-19. Ceux qui refusent de ne plus se serrer les mains, qui maintiennent les regroupements, qui continuent de profiter de soirées dans des bars ou de sorties dans des parcs. Surtout continuer comme avant “le plus longtemps possible”.

Dans la phase de marchandage on se croit plus fort que le danger, on le minimise (“ce n’est qu’une grippe”, “le tabac tue plus chaque année…”). Coûte que coûte on tient à maintenir notre connu, notre zone de sécurité. Le but recherché est “d’acheter du temps” pour limiter le moment où l’on sera exposé au danger. Donc de le tenir le plus longtemps possible loin de soi. […] 

Le déni permet de sortir de l’état de choc où tout le métabolisme se fige. Cette phase limite la psychose paranoïaque qui pourrait amener une réaction de panique désorientée. Elle protège temporairement notre santé psychique. Cet état de veille est un état de protection instinctif qui permet de négocier un peu avec le temps. […]

Les risques d’y stagner trop longtemps

Le risque est bien-sûr que le danger nous rattrape sans avoir pu l’anticiper. C’est un risque accru d’exposition de soi au danger, et d’autrui si on est en posture de responsabilité.

Le risque est aussi d’exacerber les tensions sociales et de se couper des autres car c’est une des postures les plus provocantes pour ceux qui sont déjà en conscience du danger ou de la perte. Si nous ne percevons plus la même réalité, il devient difficile de se sentir reliés, “dans le même monde”. » – Solen Lombard , Etat de choc, déni et marchandage : comprendre nos négociations avec l’impensable réalité.

Que faire pour contrer le déni?

Il ne s’agit pas d’excuser ou de juger le déni, mais de le comprendre et de le désamorcer. Solen Lombard nous donne également quelques outils pour auto-diagnostiquer et dépasser cette phase. Il s’agit en premier lieu de s’observer et d’analyser ses réactions, son degré d’ouverture aux discours qui vont à l’encontre de nos croyances.

La deuxième phase consiste à s’informer auprès de sources fiables et factuelles, à se documenter et à comparer ou croiser les données afin de se forger une opinion plus objective.

C’est parfois en multipliant le contact avec une information exposée de différentes manières, mais également en sollicitant notre entourage pour en débattre, qu’on arrive à surpasser le déni et à affronter la réalité

Leïla Rölli

 

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