Solution ecofriendly: des peaux de raisin fermentées sur les routes verglacées

Une manière astucieuse de recycler les déchets organiques!

Sel sur les routes, biodiversité en PLS.

Comme vous le savez probablement, le chlorure de sodium (le sel), est largement répandu sur nos routes et trottoirs en hiver par les services de voiries. Le but est évidemment de minimiser le risque de glissade, tant pour les piétons que pour les véhicules.

En effet, le sel a la propriété d’abaisser le point de congélation de la glace, la faisant fondre plus rapidement, ce qui rend les routes plus sûres.

Et tout ce sel est nocif. Non seulement il est corrosif pour les chaussées, le béton et les carrosseries, mais il s’infiltre également dans les lacs, les ruisseaux et les nappes phréatiques, contaminant les réserves d’eau et menaçant la vie aquatique. Autre problème non négligeable, le sel a aussi des propriétés désherbantes. Les végétaux aspirent ce sel par les racines et s’asphyxient.  

Pourtant, l’utilisation du sel de voirie reste fréquente – rien qu’aux États-Unis, on utilise entre 20 et 27 millions de tonnes de sel sur les routes chaque année. La Suisse, consomme 500’000 tonnes de sel tous les ans, salage des routes et utilisation alimentaire confondus. Suite à l’abandon d’un projet de saline dans le canton de Bâle-Campagne, la Suisse pourrait manquer de sel dès 2025. Il faudrait alors se tourner vers les pays étrangers pour éviter une pénurie (RTS). Il devient donc urgent de trouver des solutions valables.

Revalorisation de déchets organiques

Des chercheurs de l’Université de l’État de Washington ont développé un moyen de transformer les peaux de raisin et autres déchets comme les feuilles de betterave sucrière ou le marc de pomme (résultat du pressage des pommes pour le cidre ou le jus) en une solution qui multiplie le pouvoir du sel de voirie, ce qui permettrait d’en utiliser beaucoup moins.

Cette découverte ne permet pas encore de se passer complètement du sel malheureusement, mais en combinant d’autres alternatives, comme les copeaux de bois et gravillons sur les trottoirs et places publiques, on pourrait déjà réduire significativement notre consommation de sel.

Il y a quelques années, Xianming Shi, professeur agrégé en génie civil et environnemental à l’Université de l’État de Washington, a développé une alternative au sel de voirie pour un projet parrainé par le ministère des Transports de l’Alaska. Les températures en Alaska étant souvent trop basses pour que le sel de voirie fonctionne, il avait donc besoin d’une solution plus puissante. Mais le chlorure de magnésium (un dégivreur plus efficace que le sel) ou les additifs qui améliorent l’action du sel de voirie étaient trop coûteux.

L’équipe du Professeur Shi a fini par développer un moyen de transformer les feuilles de pivoine – apparemment l’Alaska est un énorme producteur de pivoines – en une solution de produits chimiques non toxique qui peut être ajoutée à la saumure ordinaire.

Le résultat est une solution qui est plus efficace comme dégivreur que le sel de voirie traditionnel, tout en utilisant moins de chlorure de sodium dans l’ensemble. Un processus de fermentation naturelle décompose les déchets agricoles et, grâce au travail des bactéries, ils se transforment en un mélange liquide, sans créer de nouveaux déchets en cours de route.

Comment ça marche?

Il suffit simplement d’ajouter la solution obtenue à la saumure classique à un certain rapport de concentration. Le produit de base ainsi dilué devient moins néfaste pour l’environnement, et plus efficace. Selon les tests effectués par le scientifique, grâce à ce procédé, les services de voiries pourraient abaisser d’un quart leur consommation de sel annuel.

Ce n’est pas la seule invention à base de déchets organique pour trouver une alternative au sel de voirie: certaines municipalités américaines utilisent le jus de betterave comme dégivreur car les sucres contenus dans le jus ont le même effet que les chlorures, à savoir, de modifier le point de fusion de la glace.

Mais le jus de betterave n’est pas non plus une solution totalement écologique; lorsqu’il est emporté dans les plans d’eau voisins, il a toujours un impact néfaste, car les sucres contenus dans le jus de betterave favorisent la croissance d’une bactérie qui consomme tout l’oxygène disponible dans les étangs par exemple, ce qui, à terme, tue les animaux aquatiques qui ont besoin de cet oxygène.

La peau de raisin ou la solution de feuilles de betterave à sucre de Shi ne semblent pas poser le même risque, mais il ne sait pas encore exactement pourquoi. Selon lui, ça pourrait avoir un rapport avec la façon dont son processus transforme les déchets en molécules plus petites que celles trouvées dans le jus de betterave.

 Xianming Shi et son équipe vont maintenant devoir déterminer s’il est possible que la solution puisse être utilisée telle quelle, sans chlorure de sodium. Selon le chercheur, ça devrait être faisable avec un autre élément que le sel, mais ça sera probablement plus onéreux. La prochaine étape pour son équipe est d’amener certaines villes à essayer cette option, en espérant que l’industrie sera intéressée.

«Le problème est qu’actuellement, la plupart des décisions sont prises en fonction des coûts initiaux, de sorte que les coûts cachés ou les risques à long terme ne sont pas pris en compte dans le processus de prise de décision», dit-il. «Pour le grand public, nous avons tendance à nous concentrer sur le moment:« Je veux conduire du point A au point B par temps de neige à bonne vitesse. Je ne pense même pas que cette volonté cause des problèmes pour les générations futures. ». . . Ces choses doivent être plus médiatisées, les coûts cachés ou les coûts sociaux, afin que les agences puissent prendre une décision plus holistique. »

En Suisse et en Europe où l’on produit beaucoup de vin et de sucre de betterave, ces pistes semblent prometteuses, à la condition que les déchets utilisés soient issus de l’agriculture biologique, évidemment!

Source.

 

Leïla Rölli