L’initiative pour une eau potable propre

Leïla Weber décrypte pour nous les prochaines votations du 13 juin

Il ne faut jamais dire « Fontaine, … »

À l’instar de l’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse », l’initiative « Pour une eau potable propre et une alimentation saine » soutient le développement de mesures fédérales accrues pour protéger la santé et l’environnement et pour répondre ainsi aux objectifs que nécessite d’atteindre la situation climatique actuelle. En effet, l’activité humaine se répercute sur les nappes phréatiques et les cours d’eau, notamment le milieu agricole de par l’élevage mais également l’usage de pesticides de synthèse, d’antibiotiques pour le bétail et de lisier pour la fertilisation des cultures. Ainsi, l’initiative « Pour une eau potable propre et une alimentation saine » demande : la préservation de la biodiversité, une production sans pesticides, pas d’antibiotiques à titre préventif, moins d’animaux donc moins d’engrais par exploitation, de soutenir la recherche, la vulgarisation, la formation et les investissements dans le domaine agricole et de donner ainsi un avenir à l’agriculture suisse. Selon le comité d’initiative, tous ces dommages écologiques nous privent en effet d’un droit fondamental : l’accès à une eau potable propre.

Les « prestations écologiques requises »

Actuellement, la Confédération octroie des aides financières aux exploitations agricoles, versées sous forme de paiements directs pour autant que ces dernières respectent un certain nombre de conditions, les « prestations écologiques requises » : « ces exigences environnementales […] concernent notamment la protection des végétaux, la fertilisation des sols, l’élevage et la biodiversité ». Elles permettent en effet de limiter l’usage de pesticides de synthèse, d’antibiotiques et de lisier, afin de préserver l’environnement et la biodiversité et de protéger la santé humaine. Toutefois, aux yeux des initiants, ces mesures ne sont pas suffisantes à différents égards. En outre, ils déplorent que ces paiements directs, qui contribuent à maintenir une agriculture qui n’est plus en adéquation avec le respect de l’environnement, soient financés par les impôts des contribuables.

Les pour et les contre

Les pesticides de synthèse, qui font également l’objet d’une autre initiative populaire, sont connus pour leur toxicité, qui impacte la biodiversité comme la santé humaine. Ainsi, l’initiative « Pour une Suisse sans pesticides de synthèse » demande que leur usage soit interdit, alors que la présente initiative demande en sus que l’aide financière de l’État sous forme de paiements directs soit suspendue pour les exploitations qui continueraient à y avoir recours – dans l’hypothèse où ils ne seraient pas interdits. Le maintien des paiements directs repose par ailleurs sur deux autres mesures : limiter l’utilisation de médicaments au bétail malade et ne plus en faire usage préventivement, notamment car la présence d’antibiotiques dans l’eau rend certaines bactéries présentes dans le lisier résistantes à leur effet, ce qui est problématique en termes de santé publique puisque nous finissons par les ingérer, et restreindre la quantité d’animaux par exploitation selon le nombre de têtes qu’elles peuvent nourrir d’elles-mêmes, ce qui éviterait d’une part d’importer du fourrage de l’étranger qui ne serait pas soumis aux mêmes contrôles qu’en Suisse – il pourrait par exemple contenir du nitrate –, mais également et surtout de limiter la production de lisier et de fumier.

En effet, un nombre élevé de bêtes engendre une surabondance de déjections qui, absorbées par le sol, finissent dans la nappe phréatique et dans les cours d’eau. Or, on connait déjà les dommages que peuvent causer le lisier et le fumier lorsqu’ils sont utilisés comme engrais organique : comportant un taux élevé d’azote et de phosphore, des doses trop importantes de ces matières dans l’eau favorisent la prolifération rapide de plantes aquatiques et d’algues absorbant massivement l’oxygène également nécessaire à la survie des animaux d’eau douce. Ainsi, avec la pollution des eaux au lisier, les poissons et les écrevisses de nos rivières meurent d’asphyxie. L’épandage de purin est d’ailleurs interdit à proximité des cours d’eau et son usage est soumis à de nombreuses règles strictes. Toutefois, des fuites accidentelles et non volontaires provenant d’exploitations agricoles surviennent encore parfois et la Confédération reconnaît que « Malgré une législation draconienne, les déversements accidentels de purin provoquent encore et toujours des hécatombes de poissons ». Restreindre le nombre de bêtes par exploitation s’inscrit donc dans la même logique que l’épandage de lisier et que l’usage de pesticides et de médicaments : il s’agit de limiter les contaminations qui rendent l’eau impropre à la consommation et qui impactent la biodiversité.

L’initiative « Pour une eau potable propre et une alimentation saine » demande donc que les paiements directs soient révoqués pour les acteurs ne respectant pas ces conditions. Le Conseil fédéral et le Parlement, eux, s’y opposent, considérant que les règles imposées pour bénéficier de cet argent sont déjà strictes et qu’une diminution de la production impliquerait par ailleurs inévitablement une augmentation des importations de denrées alimentaires.

La colère monte du côté des agriculteurs

Dans le milieu agricole, on s’insurge face à ces initiatives jugées « extrêmes », et c’est compréhensible ; privés d’outils précieux pour le bon fonctionnement de leurs exploitations, les producteurs vont devoir se réadapter en profondeur, ce qui aura de multiples répercussions et notamment un coût financier. À travers ces nouvelles mesures et de par leur proximité directe avec la nature, ils portent ici seuls la responsabilité de nos habitudes de consommation, tout comme ils font les frais de l’existence de produits phytosanitaires nocifs, alors que la loi leur permet pourtant d’en faire usage, avec restriction mais librement.

Mais l’initiative a justement également pour objectif, en réorientant les subventions, de donner un avenir à l’agriculture suisse et que les agriculteurs suisses ne se retrouvent pas seuls face à ces nouvelles exigences : elle demande en parallèle des mesures écologiques que des investissements soient faits pour soutenir non seulement les changements qui incomberont aux exploitations, mais également la recherche, la vulgarisation et la formation dans le domaine agricole. Sensible à la cause agricole suisse, l’initiative entend justement défendre un système alimentaire local et social, en faveur des paysans et de l’agroécologie : « L’initiative pour une eau potable propre veut utiliser l’argent de nos impôts de sorte que les familles paysannes puissent produire des denrées alimentaires de façon durable. Nous protégerons ainsi notre eau potable et notre santé, tout en prenant soin de l’environnement, de la biodiversité et du climat. En préservant nos moyens d’existence, nous donnerons un avenir à l’agriculture, soucieux de notre responsabilité à l’égard des générations futures ».

 

Leïla Weber

N’OUBLIEZ PAS DE VOTER!