Et si on interdisait l’élevage intensif en Suisse ?
On s'informe sur l'initiative populaire fédérale "Non à l'élevage intensif en Suisse"!
Interdire l’élevage intensif paraît être une question évidente tant la population se positionne en défaveur de ce type d’élevage de manière générale.
Et pourtant, ce sujet sur lequel les citoyen-ne-s suisses sont amené-e-s à se prononcer le 25 septembre prochain, par le biais d’une initiative populaire fédérale, est extrêmement clivant,
Mais pourquoi ? Eh bien car en Suisse, l’élevage intensif est tabou, à tel point qu’une partie de la population ne croit pas au fait qu’il existe réellement dans nos contrées.
Et c’est ce que l’on essaie de nous faire croire dans le cadre de cette campagne : que les normes suisses sont si bonnes qu’elles ne nécessitent aucun changement.
C’est d’ailleurs ce qui est constamment étalé sous nos yeux par les publicités des lobbys de la viande et du lait : des animaux heureux et « libres »…
A les entendre, en Suisse, on traite les animaux mieux que nulle part au monde et cette initiative serait dès lors inutile.
Or, la réalité n’est pas du tout si séduisante.
Mais que demande cette initiative en fait ? Et quelle est la situation actuelle en Suisse ?
Lancée par diverses associations de protection des animaux, cette initiative populaire fédérale demande que la Constitution fédérale soit modifiée comme suit :
Ainsi, si l’initiative était acceptée, la notion de dignité humaine serait ancrée dans la Constitution et devrait ainsi être respectée dans le cadre de l’élevage en Suisse. Cela signerait la fin de la production industrielle en Suisse, mais également la fin de l’importation de produits d’origine animale qui ont été produits avec des méthodes « interdites » en Suisse !
Le respect de la dignité animale dans le cadre des exploitations agricoles devrait être compris comme le respect – a minima – des standards Bio Suisse.
Pourquoi proposer une telle initiative ? La situation est-elle à ce point catastrophique en Suisse qu’il est nécessaire d’ancrer une telle notion dans la Constitution ?
Eh bien contrairement à ce que tente de le faire croire le marketing agressif des géants de l’agro-alimentaire et des lobbys agricoles, les animaux en Suisse ne disposent pas tous d’un accès à l’extérieur, ne vivent pas une « belle vie » et ne sont pas tués « humainement »…
Dans notre pays, la tendance est celle d’exploitations toujours plus grandes et donc, d’un nombre toujours plus important d’animaux par exploitation.
Selon les initiant-e-s :
93% des poulets de chair passent leur vie dans des halles d’engraissement sans jamais voir le ciel. Jusqu’à 27’000 animaux vivent dans de tel élevages. Ils sont abattus au bout de 5 semaines d’engraissement, alors qu’ils ont une espérance de vie naturelle de 8 ans. Les poules pondeuses, elles, peuvent être jusqu’à 18’000 détenues dans une halle et sont abattues au bout de 1.5 ans.
Seuls 50% des cochons suisses ont accès à l’extérieur. Ils peuvent être détenus jusqu’à 1’500 cochons par halle : Dix cochons se partagent la surface d’une place de parc. Ils sont abattus au bout de 5 mois d’engraissement alors qu’ils ont une espérance de vie naturelle de 15 ans.
Les bovins sont élevés en groupe beaucoup trop grands : Il peut être détenu jusqu’à 300 individus par bâtiment. Contrairement à l’imaginaire collectif, l’accès à une aire extérieure n’est actuellement pas obligatoire en élevage bovin. Seule la moitié des animaux environ y ont accès. Les veaux sont abattus au bout de 5 mois d’engraissement, les bœufs au bout de 20 mois et les vaches laitières au bout de 4 à 6 ans de traite, alors que leur espérance de vie naturelle est d’environ 20 ans.
Ainsi, les conditions de détention en Suisse ne sont pas si bucoliques et « humaines » que ce que l’on veut bien nous le faire croire.
Et l’écologie là-dedans?
Outre la question de la dignité animale, rappelons par ailleurs que la production de produits d’origine animale doit absolument baisser, pour des raisons écologiques, sanitaires, mais également de souveraineté alimentaire. Cela est admis par l’Office fédéral de l’environnement, de la santé, mais également par le Conseil fédéral !
Ainsi, la situation doit changer et elle ne changera pas avec la composition actuelle du parlement fédéral. C’est bien pour cette raison que cette initiative a une importance cruciale : elle conduirait à une baisse certaine de la production de produits d’origine animale.
Comme indiqué plus haut, les opposant-e-s considèrent que la situation en Suisse ne justifie pas un tel changement, mais que, dans le même temps, cette initiative favoriserait l’importation de viande étrangère ainsi que le tourisme d’achat.
Ils/Elles se trompent : Comme indiqué précédemment, la situation actuelle des animaux « de rente » en Suisse n’est pas acceptable. Leurs conditions de détention peuvent être nettement améliorées.
En outre, l’urgence climatique actuelle nécessite que la production suisse se tourne vers une production plus végétale. Il est inacceptable que plus de la moitié des terres arables de notre pays soient utilisées pour produire de la nourriture pour les animaux.
Cette surproduction de produits d’origine animale est d’autant plus insensée qu’avec les épisodes de canicule que nous connaissons ces dernières années, les éleveur-se-s manquent de plus en plus d’eau et de fourrage pour leurs bêtes. Une preuve supplémentaire de la nécessité d’adapter la politique agricole aux circonstances et aux connaissances actuelles.
Alors que nos émissions de CO2 doivent drastiquement être réduites ces prochaines années, la Confédération elle-même reconnaît que la mise en œuvre de l’initiative – au minima Bio Suisse – permettrait une réduction annuelle de 165’000 tonnes d’équivalents CO2 et conduirait à un « bénéfice environnemental » de CHF 30 à 40 mio par an, dans une analyse des effets sur l’environnement de l’initiative.
Mais qu’en est-il des agriculteurs qui triment d’ores et déjà sous la rigueur administrative qui leur est imposée ?
En cas d’acceptation de l’initiative, les agriculteur-trice-s touché-e-s seront soutenu-e-s, cela va de soi, contrairement à ce que le lobby agricole continue à leur faire croire. Ils/Elles seront soutenu-e-s financièrement pour entamer ce changement possible sur une vingtaine d’années.
Dans tous les cas, cette modification des habitudes de production et de consommation devra intervenir au vu des épisodes récurrents de canicule qui rendent chaque année plus difficile les conditions d’élevage… Autant prendre le virage dès à présent.
Cette initiative est finalement très peu radicale, demandant une simple adaptation – a minima – au cahier des charges que des milliers d’exploitations en Suisse suivent déjà, dans un délai pouvant aller jusqu’à 25 ans (!).
En réalité, l’on pourrait même considérer que cette initiative ne va pas assez loin, tant elle permet encore et toujours la mise à mort de bien trop d’individus sentients en Suisse. Néanmoins, elle est un premier pas et son acceptation enverrait un signal fort pour un changement dans la politique agricole suisse qui doit urgemment être tournée vers la production végétale, pour des raisons tant éthiques, que sanitaires, sociales et bien entendu environnementales.
Alors pour toutes ces raisons, c’est un grand OUI que je vous conseille de voter et de faire voter à vos proches le 25 septembre prochain !
Cloé Dutoit