Quand l’argent public booste la consommation de viande

Un article publié dans "The Guardian" traduit par Cloé

Pas un jour ne passe sans que l’on n’y soit confronté : la publicité pour les produits d’origine animale est omniprésente !

A côté du marketing réalisé par les marques elles-mêmes, en Suisse nous avons également des organismes tels que « Proviande » ou « Swissmilk » qui reçoivent d’importantes sommes de la part de la Confédération à des fins publicitaires. Ces subventions ont par ailleurs déjà été traitées au Parlement grâce à des parlementaires courageux.ses, mais qui ne sont malheureusement pas parvenus à faire changer les choses, la faute à un lobby des produits d’origine animale bien trop puissant.

Ainsi en 2016, l’Office fédéral de l’agriculture indiquait avoir versé 6mio de francs à Proviande pour la promotion des produits carnés. Pour ce qui est du fromage, un chiffre de 23.7 mio est même avancé…

Campagne publicitaire swissmilk 2015: les écoles étaient invitées à participer à un concours de dessin pour la promotion du lait. Ici, la réalisation d’une classe en région Lausannoise. Ou quand lobbies s’infiltrent dans les classes pour conditionner les enfants.

Mais qu’en est-il dans l’Union européenne ? C’est ce sur quoi le journal anglais The Guardian s’est penché dans un article récent dont je vous propose aujourd’hui une traduction :

*Début de la traduction*

L’UE dépense des dizaines de millions d’euros par an pour promouvoir la consommation de viande – Les campagnes visant à promouvoir la consommation de viande de porc et de veau étiquetées comme « inacceptables » au regard des préoccupations sanitaires et climatiques.

L’UE a été accusée d’adopter une approche inacceptable vis-à-vis de la santé humaine et de la crise climatique en dépensant des dizaines de millions d’euros chaque année dans des campagnes visant à freiner la baisse de la consommation de viande et tentant de réfuter les critiques quant aux mauvais traitements infligés aux animaux d’élevage.

Les campagnes vont de celles visant à contrer les avertissements officiels sur le risque de cancer lié à la consommation de viande rouge, à l’amélioration de l’image publique des produits « à base de » veau, jugés comme essentiels pour « tirer profit des jeunes veaux mâles » superflus pour l’industrie laitière.

L’UE accorde chaque année une subvention de 200 millions d’euros pour la « promotion des produits agricoles ». Environ 60 millions d’euros ont été dépensés au cours des trois dernières années pour 21 campagnes de commercialisation de la viande, y compris au Royaume-Uni, selon une étude de l’organisation néerlandaise de protection des animaux Wakker Dier.

L’ambition déclarée de bon nombre de ces projets est de stopper le baisse de la consommation de viande dans un contexte de végétarisme croissant chez les jeunes européen.ne.s.

Le secteur de l’élevage est responsable d’environ 14,5 % du total des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Les scientifiques ont démontré l’existence d’un lien entre le cancer et les régimes alimentaires à base de produits issus du porc, du bœuf et de l’agneau.

La description sur le site web de la Commission européenne d’une récente campagne intitulée « Pork Lovers Europe », qui a obtenu 1,4 million d’euros pour la commercialisation, dont un « road-show » avec un bus rose peint pour ressembler à un cochon, indique « que la consommation de viande de porc en Europe a diminué ces dernières années ».

Elle a continué : « Il est donc très important de promouvoir la viande de porc pour rétablir la confiance du consommateur, qui a été ébranlée par des nouvelles telles que le dernier rapport du CIRC [Centre international de recherche sur le cancer] ».

Action de sensibilisation par des activistes espagnoles devant le fameux bus « Pork Lovers ».

Les scientifiques du CIRC, une agence de l’ONU, ont en effet rapporté en 2015 que la consommation de bacon et de viande rouge, ainsi que le contact régulier avec le glyphosate augmentait le risque de développer un cancer. Les publicités de Pork Lovers Europe ciblent les consommateurs au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne, en France et au Portugal.

Une campagne de l’Association des transformateurs et du commerce de la volaille, qui sera menée dans six États membres pour un coût de 4,4 millions d’euros pour les contribuables européens, vise, au cours des deux prochaines années, à « contredire les mythes et les fausses nouvelles » concernant l’élevage et l’abattage des poulets pour la viande.

« La consommation de volaille dans l’Union européenne continue d’augmenter, mais à un rythme plus lent, car de plus en plus de consommateurs se méfient de la production de viande de volaille », peut-on lire sur le site web de la Commission européenne. La campagne, qui vise une croissance de 1,22 % de la consommation de poulets en 2020 et 2021, s’adresse « aux jeunes enfants, aux professionnels, aux médias et aux leaders d’opinion ».

Une deuxième campagne sur la viande de porc a reçu une subvention de 2,5 millions d’euros pour une initiative destinée aux Danois et aux Suédois. « Le porc n’est plus un élément naturel du régime alimentaire des jeunes Scandinaves », peut-on lire sur le site de la Commission. « Ils ont tendance à manger moins de viande en général et à éviter le porc en particulier. L’objectif est d’augmenter la demande des consommateurs et donc d’enrayer toute baisse attendue par ailleurs ».

Une campagne en faveur du secteur néerlandais de la viande de veau visant à promouvoir la viande de veau sur les marchés belge, italien et français a reçu une subvention de 6 millions d’euros.

 

 

« Le marché de la viande de veau est en déclin depuis les années 2000 », indique une description du projet sur le site web de la Commission. « Il y a plusieurs raisons à cela : la crise économique, les changements de comportement en matière de consommation et surtout un manque de sensibilisation de haut niveau. La France, les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie sont déterminés à lutter contre cette baisse de la consommation en renforçant l’image de la viande de veau européenne auprès des consommateurs ».

Sjoerd van de Wouw, chercheur à la fondation Wakker Dier, a déclaré que la politique de financement était inacceptable et dépassée. « Nous comprenons que vous devez prendre en compte les intérêts des producteurs mais pas en ignorant totalement les intérêts des consommateurs et du climat », a-t-il déclaré.

En réponse, un porte-parole de la Commission européenne a déclaré : « La sélection des projets est basée sur une procédure stricte et définie impliquant des évaluateurs externes. Les organisations de producteurs envoient des propositions concernant leurs idées de campagne et participent également au financement des campagnes. »

« Dans un souci d’évaluation et d’ajustement constants de sa politique actuelle, la Commission lancera bientôt une consultation publique sur la politique de promotion des produits agricoles de l’UE ».

*Fin de la traduction*

 

Vous l’aurez donc remarqué, la problématique est bien réelle et les arguments utilisés pour la justifier semblent tout bonnement archaïques. En outre, les sommes qui y sont consacrées sont loin d’être négligeables.

Il est certain que les agriculteur.trice.s et tous.tes les employé.e.s de ce secteur se trouvent sous une pression constante, que ce soit du fait des prix toujours plus bas que leur demande la grande distribution, de leur charge de travail, ou encore des attentes toujours plus grandes des gouvernements ainsi que des consommateur.trice.s.

L’agriculture a besoin d’un changement en profondeur, de bien plus de bras et de soutien.

Pourquoi donc ne pas plutôt utiliser cet argent pour aider à une transition vers une agriculture respectueuse de l’entier du vivant. Une agriculture contribuant au respect de l’environnement, des animaux et nous garantissant des denrées en suffisance. L’agriculture du futur en somme.

Cet argent serait utilisé de manière socialement juste, dans une logique de durabilité et même de prévention de la santé. Passablement le contraire de ce à quoi il est aujourd’hui utilisé, soit rendre l’élevage super sexy et inoffensif pour s’en mettre toujours plus plein les poches.